Rachel Khan
17 mars 2023
Le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a réclamé des mandats d’arrêts contre des dirigeants israéliens et du Hamas. La juriste et écrivain Rachel Khan lui adresse une lettre ouverte. sur FIGARO/TRIBUNE
#CPI #Israël #Mandat #Karim Khan
Cher Karim Khan,
Je me permets de vous écrire, partageant le même nom de famille, sujet à ricanements, ce qui crée un certain sentiment de proximité.
Je ne m'étendrai pas ici sur le fait que vous contribuez involontairement à alimenter l'antisémitisme en mettant sur un pied d'égalité Netanyahou et le Hamas. Si l'on devait fournir des arguments aux haineux, votre demande de mandat d'arrêt conjoint en serait un parfait exemple. De toute façon, tribunal ou non, droit ou non, Israël est coupable depuis des millénaires et plus encore depuis le 7 octobre, car certains diront que le pogrom «ne tombe pas du ciel», n'est-ce pas ?
Je souhaiterais ici vous parler de l'institution que vous dirigez, la Cour pénale internationale (CPI), souvent critiquée, ignorée et méconnue. En raison d'une notoriété limitée, je comprends la nécessité de menacer de mandat d'arrêt des personnalités médiatiques comme Netanyahou, afin de mettre en lumière cette CPI qui peine à exister et à créer du droit.
En lançant ce mandat, la CPI se positionne comme un rempart contre l'impunité du Hamas.
Cependant, Monsieur Khan, au-delà des apparences et des polémiques, vous avez accompli, sans doute involontairement, quelque chose de significatif en demandant un mandat d'arrêt international contre les terroristes du Hamas. Ce geste, bien que passé inaperçu auprès des haineux obsédés par la nazification des Juifs, est un signal fort pour les victimes de ces barbares et pour tous ceux qui croient en un monde où les Juifs ont le droit de vivre, un monde de justice et de dignité humaine.
En lançant ce mandat, la CPI se positionne comme un rempart contre l'impunité du Hamas, dont la charte prône un génocide, l'éradication d'Israël et des Juifs, qui est responsable du pogrom du 7 octobre, de la détention arbitraire d'otages, de femmes violées, de la terreur des tunnels, de l'usage d'armes dans les hôpitaux, et de la destruction du peuple palestinien qu'il prétend défendre en l’utilisant comme bouclier humain. Je m'interroge d'ailleurs sur les moyens de la CPI pour enquêter sur toutes les ramifications de ces actes, de la complicité de l'United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refuges (Unrwa) jusqu'au financement de l'Union européenne.
Avec votre demande, vous rappelez que le Hamas et ses dirigeants sont reconnus comme un «groupe terroriste» par de nombreux pays. Vous donnez ainsi du poids à cette notion. Pourquoi sinon les parlements nationaux retiendraient ils cette qualification sans aucune conséquence juridique, voire en entérinant l'impunité de ces groupes ?
En filigrane, vous soulevez un enjeu majeur : il n'existe pas de droit international du terrorisme tangible. Au vu des actes subis sur tous les continents de la part d'al-Qaida, de l'État islamique, de Boko Haram, du Hezbollah, des Talibans et du Hamas, le droit international a 50 ans de retard. Depuis 1970, combien de victimes de ces actes ignobles, visant des innocents, majoritairement musulmans, sont restées impunies ? Les chiffres sont vertigineux, avec plus de 200 000 attaques terroristes.
Or, en droit international, seuls les États sont responsables. Voilà tout le problème que vous enjambez, Monsieur Khan. C'est parce que seuls les États sont responsables qu'Israël est systématiquement présumé coupable.
La CPI, créée par le Traité de Rome en 1998, a pour objectif de poursuivre les individus responsables de crime contre l'humanité, de génocide et de crime de guerre. Mais peut-on parler de crime de guerre pour des armées non régulières ? Votre rôle en tant que procureur général est essentiel pour maintenir cette mission, pour promouvoir la justice internationale mais aussi qualifier juridiquement ce qu'est la barbarie des terroristes islamistes.